Arthur Rimbaud demeure une figure emblématique de la poésie, dont l’image, même pour ceux qui n’ont jamais lu ses œuvres, est instantanément reconnaissable : celle d’un adolescent aux yeux perçants. Pour les passionnés de son travail, Le Cahier de Douai représente une étape cruciale dans la compréhension de ses débuts littéraires. Ce recueil, produit au début de sa carrière, témoigne de son désir d’émancipation et de son talent précoce. À travers ces poèmes de jeunesse, on découvre non seulement ses ambitions et sa révolte, mais aussi les fondations sur lesquelles se construira sa légende littéraire.
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Quel est le contexte du Cahier de Douai ?
En 1870, Arthur Rimbaud, alors adolescent, se libère du poids familial et de l’autorité maternelle en fuyant son domicile. Sa fugue le conduit à une brève détention dans une prison parisienne avant que la police ne le renvoie à sa mère. Déterminé à fuir la province et Charleville, Rimbaud exprime dans une lettre à son mentor Georges Izambard, en août 1870, son désenchantement vis-à-vis de sa ville natale, la qualifiant de « supérieurement idiote ».
Son passage à l’âge adulte est marqué par plusieurs étapes significatives : rupture familiale, départ vers Paris, recherche de nouveaux modèles, et surtout, une ambition poétique grandissante. La poésie devient l’expression même de son désir d’émancipation, et Le Cahier de Douai en est une représentation.
Après sa fugue et son emprisonnement en août 1870, Rimbaud bénéficie de l’aide de son professeur Izambard. Il est accueilli à deux reprises à Douai, en septembre puis en octobre, par la famille du professeur, les sœurs Gindre. C’est durant ce séjour qu’il rencontre Paul Demeny, également professeur et poète. À Douai, Rimbaud met au propre des poèmes qu’il sélectionne et modifie, tout en en composant de nouveaux. Izambard conservera également des poèmes autographes de Rimbaud de 1870, qui permettent aujourd’hui de découvrir des variantes précieuses de ses écrits.
Quels sont les thèmes et influences du Cahier de Douai ?
Le Cahier de Douai constitue un moment clé dans la vie et l’œuvre d’Arthur Rimbaud, symbolisant un tournant dans sa quête d’émancipation personnelle et poétique. En rassemblant ces poèmes pour Paul Demeny, il amorce le début de sa légende littéraire, incarnant l’homme en quête de liberté, de sensations nouvelles, et de révolution créatrice. Ce recueil, à la tonalité et aux thèmes préfigurant ses futures œuvres, représente une étape fondamentale de sa carrière.
Déjà familiarisé avec les courants littéraires de son époque, Rimbaud n’hésite pas à mentir sur son âge pour se faire accepter parmi ses contemporains. Ses poèmes reflètent une actualité immédiate, abordant des événements tels que la guerre franco-prussienne ou ses récentes fugues à Paris et en Belgique.
L’influence des courants littéraires de son temps est manifeste dans ses écrits : le romantisme, le réalisme et le Parnasse. Ses références sont claires dans de nombreux poèmes, avec des influences de Hugo pour son engagement politique et satirique, de Baudelaire pour son art de la provocation et du sonnet, et des parnassiens pour leur vocabulaire précieux et leurs allusions mythologiques.
Cependant, Rimbaud va au-delà de l’imitation et de l’admiration. Son processus d’émancipation se caractérise par un double mouvement de destruction et de création, menant vers une écriture de l’illumination, comme en témoignent ses poèmes Sensation, Au Cabaret-Vert, et Ma Bohème (Fantaisie).
Pourquoi Rimbaud écrit-il Cahier de Douai ?
Entre septembre et octobre 1870, Arthur Rimbaud, à peine âgé de quinze ans, a recopié une série de poèmes à Douai, chez la famille de son professeur Georges Izambard. Certains de ces poèmes étaient déjà rédigés, tandis que d’autres ont vu le jour durant ce séjour. Rimbaud a ensuite remis ces écrits à Paul Demeny, un jeune poète, dans l’espoir de les voir publiés.
L’oeuvre a été achevée alors que le poète n’avait pas encore seize ans (né le 20 octobre 1854). Une partie des vingt-deux poèmes avait été écrite avant l’été 1870, y compris les trois envoyés à Théodore de Banville le 24 mai de cette année : Sensation, Credo in unam (rebaptisé Soleil et chair dans le recueil), et Ophélie. D’autres poèmes, quant à eux, ont été rédigés à la fin de l’été et au début de l’automne, faisant référence à la guerre franco-prussienne et aux récentes fugues de Rimbaud à Paris et en Belgique.
Ces vingt-deux poèmes ont été soigneusement rassemblés par Rimbaud pour Paul Demeny à l’automne 1870, peu avant ses seize ans. L’attention portée à la présentation, à la graphie minutieuse et aux multiples signatures indique clairement son désir de publication. Cependant, après avoir quitté Douai, Rimbaud a demandé à Demeny de détruire ces poèmes. Heureusement, Demeny a choisi de les conserver, permettant ainsi leur préservation. Le manuscrit original est désormais accessible à la British Library de Londres et sur leur site internet.
Quelle est la structure du Cahier de Douai ?
Il convient de noter qu’il n’existe pas de véritable « cahier », mais plutôt deux ensembles de feuilles de formats différents. Le recueil n’a jamais porté le nom de Cahier de Douai du vivant de Rimbaud. Le poète a organisé ses textes en deux ensembles distincts :
- Le premier groupe, comprenant quinze poèmes, va de Reparties de Nina à Soleil et chair, suivi d’une lettre à Demeny. Bien que la plupart des poèmes soient datés, l’organisation n’est pas chronologique. Ce groupe ne présente pas une unité formelle ou thématique manifeste mais reflète les influences diverses de Rimbaud, notamment parnassienne et hugolienne.
- Le second groupe regroupe sept poèmes, exclusivement des sonnets formant un « cycle du bohémien », centré sur la fuite et l’errance. Ce groupe montre une unité formelle et thématique plus affirmée, avec des motifs récurrents de mouvement, d’élan et de griserie.
Quels sont les noms donnés au Cahier de Douai ?
Le poète n’a jamais attribué de titre spécifique à cet ensemble de poèmes, qui est aussi connu sous les noms de Cahier(s) de Douai, Recueil de Douai, ou Recueil Demeny, du nom de Paul Demeny.
Le débat entre l’unité ou la division du recueil a mené à différentes interprétations, entre ceux qui considèrent qu’il s’agit de deux cahiers distincts et ceux qui le voient comme un ensemble unique. Cette question a divisé les critiques et conduit à divers intitulés : Cahiers de Douai (au pluriel), soulignant les deux ensembles, et Cahier de Douai (au singulier), mettant en avant l’unité du recueil.