La Nuit d’après une bataille

Année: 1842

Et les corbeaux vont commencer.
Victor Hugo.

I

Une sentinelle, le mousquet au bras et enveloppée dans son manteau, se promène le long du rempart. Elle se penche entre les noirs créneaux de moment en moment, et observe d’un œil attentif l’ennemi dans son camp.

II

Il allume les feux au bord des fossés pleins d’eau ; le ciel est noir ; la forêt est pleine de bruits ; le vent chasse la fumée vers le fleuve et se plaint en murmurant dans les plis des étendards.

III

Aucune trompette ne trouble l’écho ; aucun chant de guerre n’est répété autour de la pierre du foyer ; des lampes sont allumées dans les tentes au chevet des capitaines morts l’épée à la main.

IV

Mais voilà que la pluie ruisselle sur les pavillons ; le vent qui glace la sentinelle engourdie, les hurlements des loups qui s’emparent du champ de bataille, tout annonce ce qui se passe d’étrange sur la terre et dans le ciel.

V

Toi qui reposes paisiblement au lit de la tente, souviens-toi toujours qu’il ne s’en est fallu peut-être aujourd’hui que d’un pouce de lame pour percer ton cœur.

VI

Tes compagnons d’armes, tombés avec courage au premier rang, ont acheté de leur vie la gloire et le salut de ceux qui bientôt les auront oubliés.

VII

Une sanglante bataille a été livrée ; perdue ou gagnée, tout sommeille maintenant ; mais combien de braves ne se s’éveilleront plus ou ne se réveilleront demain que dans le ciel !

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