Il ne se faut jamais moquer des misérables,
Car qui peut s’assurer d’être toujours heureux?
Le sage Ésope, dans ses Fables,
Nous en donne un exemple ou deux.
Je ne les cite point, et certaine chronique
M’en fournit un plus authentique.
Le Renard se moquoit, un jour, de l’Écureuil,
Qu’il voyoit assailli d’une forte tempête :
« Te voilà, disoit-il, près d’entrer au cercueil,
Et de ta queue en vain tu te couvres la tête!
Plus tu t’es approché du faite,
Plus l’orage te trouve en butte à tous ses coups.
Tu cherchois les lieux hauts et voisins de la foudre :
Voilà ce qui t’en prend ! Moi, qui cherche des trous,
Je vis en attendant que tu sois mis en poudre. »
Tandis qu’ainsi le Renard se gaboit,
Il prenoit maint pauvre poulet
Au gobe.
Lorsque l’ire du ciel à l’Écureuil pardonne,
Il n’éclaire plus ni ne tonne ;
L’orage cesse, et le beau temps venu.
Un chasseur ayant aperçu
Le train de ce Renard autour de sa tanière :
« Tu paieras, dit-il, mes poulets ! »
Aussitôt nombre de bassets
Vous fait déloger le compère.
L’Écureuil l’aperçoit qui fuit
Devant la meute qui le suit :
Ce plaisir ne lui dure guère,
Car bientôt il le voit aux portes du trépas.
Il le voit, mais il n’en rit pas,
Instruit par sa propre misère.