Le Singe et le Léopard

Recueil: Fables
Année: 1679

Le Singe avec le Léopard
Gagnaient de l’argent à la foire.
Ils affichaient chacun à part.
L’un d’eux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu. Le Roi m’a voulu voir ;
Et, si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée ! »
La bigarrure plaît : partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait ; bientôt chacun sortit.
Le Singe de sa part disait : « Venez de grâce,
Venez, messieurs, je fais cent tours de passe-passe,
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin Léopard l’a sur soi seulement :
Moi je l’ai dans l’esprit. Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du Pape en son vivant,
Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler ;
Car il parle, on l’entend : il sait danser, baller,
Faire des tours de toute sorte,
Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs ;
Non, messieurs, pour un sou ; si vous n’êtes pas contents,
Nous rendrons à chacun son argent à la porte. »
Le Singe avait raison : ce n’est pas sur l’habit
Que la diversité me plaît ; c’est dans l’esprit :
L’une fournit toujours des choses agréables ;
L’autre, en moins d’un moment, lasse les regardants.
Oh ! que de grands seigneurs, au Léopard semblables,
N’ont que l’habit pour tous talents !

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