Les filles du limon tiraient du Roi des astres
Assistance et protection :
Guerre ni pauvreté, ni semblables désastres
Ne pouvaient approcher de cette nation :
Elle faisait valoir en cent lieux son empire.
Les reines des étangs, grenouilles, veux-je dire,
(Car que coûte-t-il d’appeler
Les choses par noms honorables ?)
Contre leur bienfaiteur osèrent cabaler,
Et devinrent insupportables.
L’imprudence, l’orgueil, et l’oubli des bienfaits,
Enfants de la bonne fortune,
Firent bientôt crier cette troupe importune :
On ne pouvait dormir en paix.
Si l’on eût cru leur murmure,
Elles auraient, par leurs cris
Soulevé grands et petits
Contre l’oeil de la nature.
Le Soleil, à leur dire, allait tout consumer ;
Il fallait promptement s’armer,
Et lever des troupes puissantes.
Aussitôt qu’il faisait un pas,
Ambassades coassantes
Allaient dans tous les États :
À les ouïr, tout le Monde,
Toute la machine ronde
Roulait sur les intérêts
De quatre méchants marais.
Cette plainte téméraire
Dure toujours ; et pourtant
Grenouilles doivent se taire,
Et ne murmurer pas tant :
Car si le Soleil se pique,
Il le leur fera sentir ;
La République aquatique
Pourrait bien s’en repentir.